Conférences 1er semestre 2023

 

     Versailles, un moment de perfection de civilisation française

 

Exceptionnel cycle d’études dispensé par

Alexandre Maral
Conservateur général du patrimoine au château de Versailles, directeur du Centre de recherche

Ce cycle est destiné à offrir aux Amis du musée des Augustins une connaissance approfondie de Versailles, de sa création à nos jours. L’approche est pluridisciplinaire, fondée principalement sur l’histoire et l’histoire de l’art. Le but est d’évoquer une page de l’histoire de France, celle de l’absolutisme monarchique, et d’illustrer un panorama de l’art français, perçu par le prisme de ce qui en fut sa vitrine officielle et privilégiée.

Mardi 17 janvier

La création de Versailles, des origines à 1668

Pourquoi Versailles ? Répondre à cette question conduit à revenir aux origines d’un site peuplé depuis au moins le Moyen Age et occupant une position stratégique à l’ouest de Paris. L’intérêt particulier porté par Louis XIII à ce lieu s’explique par la volonté du souverain de prendre ses distances au regard de la population de la capitale, mais aussi de la noblesse de cour. Le père de Louis XIV fait ainsi construire deux châteaux successifs, aux intérieurs raffinés et entourés d’un petit domaine.

Dès le début de son règne personnel, en 1661, Louis XIV porte un intérêt grandissant pour la demeure héritée de son père, qu’il fait embellir encore davantage et qu’il dote des premiers jardins, aménagés sous la direction d’André Le Nôtre, ainsi que d’une ménagerie d’animaux de curiosité. C’est dans ce cadre qu’il fait donner de grandes fêtes de cour, ponctuées de divertissements de toutes sortes. Dès cette première période, Versailles devient le palais du Soleil : non seulement à travers les thèmes des fêtes, mais aussi avec les premières commandes pour les jardins, dont les fontaines illustrent l’histoire d’Apollon.

Mardi 31 janvier

L’agrandissement du château et la création de la ville nouvelle, 1668-1678

A la faveur de la paix d’Aix-la Chapelle, conclue en 1668, un chantier considérable est entrepris : le château-neuf, ou Enveloppe, qui vient englober sans le détruire le château primitif hérité de Louis XIII. Son architecture, due à Louis Le Vau, se ressent d’une influence italienne. Ce formidable chantier est soutenu par l’administration désormais bien rodée des Bâtiments du roi, placée sous l’égide de Colbert.

À l’intérieur du château neuf, le dispositif des grands appartements accueille de fastueux décors peints encadrés de stuc, dus aux meilleurs artistes du règne, issus de l’Académie royale de peinture

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et de sculpture. Les parois et les sols des pièces sont revêtus de marbres polychromes, extraits de carrières françaises et étrangères. Le but est d’affirmer la place de Versailles comme vitrine de l’art français dans ce qu’il a de plus excellent, pour la plus grande gloire du souverain.

Tandis que les jardins sont encore enrichis de nouveaux bosquets, que le domaine s’accroit autour du Grand Canal, creusé à partir de 1668, une ville nouvelle est créée de toutes pièces, dont la trame orthonormée vient remplacer le vieux parcellaire médiéval.

Mardi 14 Février

La transformation de Versailles en résidence officielle et permanente du pouvoir, 1678-1688

Prise en 1682, à l’apogée du règne de Louis XIV, la décision de faire de Versailles le siège officiel et pérenne de la cour et du gouvernement introduit un changement radical, à la fois politique, administratif et culturel, dans la conception de l’exercice du pouvoir et de la société de cour. Jusque- là itinérante, la monarchie se fixe en un lieu, auquel elle s’identifie. Versailles devient résidence d’État.

Préparant et accompagnant la décision de 1682, de nouveaux chantiers, pharaoniques, sont entrepris à Versailles. Leur génial maître d’œuvre est l’architecte Jules Hardouin-Mansart, qui s’impose au détriment de Charles Le Brun, mis à l’écart. Hardouin-Mansart et Le Brun collaborent encore sur le chantier de la Grande Galerie, ou galerie des Glaces, dont la voûte représente l’histoire même du règne de Louis XIV, jugée suffisamment glorieuse pour pouvoir remplacer les grands programmes mythologiques.

Par l’ampleur des réalisations qui y sont menées, par la richesse des collections artistiques qui y sont accumulées et présentées, par le nombre et la qualité des œuvres d’art qui sont alors commandées pour orner le site, Versailles devient en quelque sorte une nouvelle Rome, marquée par la présence de l’Antique, mais désormais susceptible de le dépasser.

Mardi 7 mars

Le Versailles de la fin du règne de Louis XIV, 1688-1715

Devenu résidence permanente de la cour et du gouvernement, Versailles s’impose comme le palais du pouvoir par excellence. Louis XIV y mène une vie publique et réglée, servie par la topographie des lieux. C’est le triomphe de l’étiquette et du cérémonial, mais aussi de l’art de régner et de gouverner.

Les deux grands chantiers de la période sont ceux de Trianon, résidence privée du monarque, et de la chapelle royale. Comme l’appartement intérieur du roi au sein du château de Versailles, le palais de Trianon est un lieu d’expérimentation de formules nouvelles, notamment dans l’art décoratif et dans la distribution intérieure.

Longuement mûrie, achevée seulement en 1710, la chapelle royale est en quelque sorte le testament religieux de Louis XIV. Mêlant à une syntaxe architecturale gallicane un vocabulaire ornemental ultramontain, l’édifice est conçu pour magnifier son rôle de roi Très Chrétien, dont la dévotion publique se veut exemplaire.

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Mardi 21 mars

Le Versailles de Louis XV, entre tradition et innovations, 1715-1774

Après l’intermède parisien de la Régence, le monarque se réinstalle à Versailles en 1722. Fasciné par le modèle de son arrière-grand-père, Louis XV va dans un premier temps respecter l’héritage du Roi- Soleil et même mener à terme des chantiers restés inachevés en 1715, tels ceux du salon d’Hercule, du bassin de Neptune et de l’Opéra royal, inauguré en 1770. À la fin de son règne, Louis XV va aussi entreprendre le remaniement général du château : de ce chantier interrompu par sa mort en 1774, demeure aujourd’hui l’aile Gabriel, manifeste du néo-classicisme naissant.

Dans le domaine de l’art de vivre, le règne de Louis XV correspond à l’apogée de la civilisation française. Un goût exquis guide l’aménagement de nouveaux lieux de sociabilité : cette sphère de l’intime est celle des cabinets du roi et de la reine, où triomphe le style rocaille.

Le Versailles de Louis XV, c’est aussi celui des femmes : la reine, les favorites royales comme Mme de Pompadour et Mme Du Barry, les filles du roi. Les appartements de ces figures féminines de la cour

sont empreints d’un raffinement extrême. Le sommet est sans doute atteint au Petit Trianon, édifié par l’architecte Jacques-Ange Gabriel à partir de 1763 pour permettre au roi de se retirer des pesanteurs du cérémonial de cour et d’y goûter les plaisirs de la vie en charmante compagnie.

Mardi 4 avril

Louis XVI et Marie-Antoinette à Versailles, 1774-1789

Quoique relativement court, le règne de Louis XVI est fertile en projets et réalisations à Versailles. Le grand chantier du règne est celui de la replantation des jardins, qui permet la création de quelques nouveaux bosquets d’un style moderne. Ce goût pour les jardins anglais est également à l’œuvre au Petit Trianon, sous l’impulsion de la reine Marie-Antoinette, qui y fait même construire un hameau rustique par l’architecte Richard Mique.

Autour de 1780, l’idée de reconstruire le château, de nouveau à l’ordre du jour, donne lieu à une consultation d’architectes, qui produit d’étonnants projets, certains, comme celui d’Étienne Boullée, franchement utopiques. Si Louis XVI, par souci d’économie, n’y donne pas suite, s’il ne fait pas mener de gros travaux dans ses appartements, la reine en revanche se fait aménager un complexe de cabinets, ainsi qu’un petit appartement, d’un raffinement inouï.

À l’exception notable de la prise de la Bastille, les grands événements révolutionnaires de l’année 1789 se déroulent à Versailles, en ville et au château, notamment la proclamation de l’Assemblée nationale, le serment du Jeu de paume, l’abolition des privilèges et le vote de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’invasion du château par une foule d’émeutiers, le 6 octobre, sonne le glas de la présence du monarque, de sa famille, de la cour et du gouvernement à Versailles.

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Mardi 18 avril

La sauvegarde d’un monument majeur de l’histoire et de l’art français, 1789-2019

En quittant Versailles, Louis XVI se montre soucieux de sa bonne conservation. Malgré la chute de la monarchie, le palais souffre peu, seuls les emblèmes royaux étant supprimés. En revanche, le domaine, d’une superficie de près de 15 000 hectares, est en grande partie aliéné, et la majeure partie du mobilier royal est vendue aux enchères.

Le Directoire institue à Versailles un musée de la peinture française : outre les anciens tableaux des collections royales et ceux issus des confiscations révolutionnaires, ce musée met à l’honneur les plafonds des grands appartements royaux.

Depuis Napoléon, qui caresse un moment l’idée de s’y installer, le château est continuellement entretenu, de grandes campagnes de restauration ayant lieu en 1815, après 1870, dans les années 1920, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et autour de 1980. Le domaine et le château sont classés au titre des monuments historiques sous le Second Empire.

À partir de la fin du XIXe siècle, l’idée se fait jour de réhabiliter la demeure royale et de la remeubler. Grâce à une constante politique d’achats, certains appartements retrouvent une partie de leurs meubles d’Ancien Régime, ou tout au moins des équivalents.

À la suite de la tempête de 1999 et dans le cadre du schéma directeur lancé en 2005, le château et les jardins sont l’objet d’un ambitieux programme de restauration, encore en cours.

Mardi 9 Mai

Le musée dédié à toutes les gloires de la France, 1837-2021

Peu de temps après son avènement, le roi Louis-Philippe émet l’idée de transformer le château de Versailles en musée historique. Le projet vise à réconcilier les diverses familles politiques – monarchistes légitimistes et orléanistes, républicains, bonapartistes – autour de l’exaltation des grandes heures d’une histoire commune.

Le musée de Louis-Philippe est inauguré en 1837. Une de ses salles est consacrée à l’année 1830 et à l’avènement de Louis-Philippe. C’est donc un musée qui vise aussi à légitimer, au nom de l’histoire, le régime en place, et cette stratégie est visible à travers le choix des œuvres et leur disposition dans les espaces transformés du château.

Riche de quelque 8000 peintures et 1500 sculptures, ce musée est progressivement mis en réserve à partir de la fin du XIXe siècle, sous l’impulsion de Pierre de Nolhac, le premier conservateur à vouloir réhabiliter la demeure des rois au détriment du musée historique.

Après plus d’un siècle de purgatoire, ces collections sont aujourd’hui l’objet d’une réévaluation, en vue de leur redéploiement dans les ailes du Nord et du Sud du château, dans des espaces à reconquérir et à réhabiliter.

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Mardi 6 juin:

Jardins de Versailles, Trianon et le hameau de la reine

Le grand chantier du règne est celui de la replantation des jardins, qui permet la création de quelques nouveaux bosquets d’un style moderne, comme ceux de la reine et des Bains d’Apollon.

Le goût pour les jardins anglo-chinois est également à l’œuvre au Petit Trianon. Sous l’impulsion de la reine Marie-Antoinette, l’architecte Richard Mique est chargé de concevoir un nouveau paysage, parsemé de fabriques raffinées, notamment le jeu de bague, le temple de l’Amour, ou encore le pavillon du Belvédère.

Mique est également l’architecte du théâtre de la Reine à Trianon, ainsi que du hameau, composé de charmantes fabriques d’inspiration rurale.